«Peut-on sortir de notre excès d’énergie sans régime?» (9) par Steve Tanner
30 juin 2023
Dans cette neuvième chronique sur l’énergie, Steve Tanner, ingénieur et président d’A Rocha Suisse, compare la consommation des énergies fossiles à la « malbouffe ». L’occasion de rappeler que nous aurions tout intérêt à passer à un régime à base d’énergies locales, gage de durabilité pour le climat, la planète… et notre société ! A lire et à écouter ici !
Le dimanche 18 juin, le peuple suisse a accepté la loi climat dont le but est de rendre la Suisse neutre en CO2 en 2050. La presse a commenté ce résultat comme une victoire d’étape où la Suisse se met enfin sur la bonne trajectoire, mais certains éditorialistes ont fait remarquer que cette loi est un minimum âprement négocié, et largement vidé de l’ambition de ses débuts. En gros, la Suisse veut bien faire des efforts, mais sans devoir renoncer à certains comportements, ni payer.
D’un côté, c’est vrai, ce résultat constitue un réel encouragement, car on a maintenant les bases légales et financières pour accélérer la sortie des fossiles, mais, d’un autre côté, le plus difficile reste à faire. Car pour atteindre cette neutralité carbone en 2050, le chantier est énorme, et le principal obstacle reste les mentalités à changer, ce qui demande beaucoup de patience et de pédagogie.
Passer de la quantité à la qualité
Le changement principal est de passer, en termes d’énergie, de la quantité à la qualité. C’est vraiment l’un des ingrédients de la transition énergétique. Durant des décennies, le pétrole nous a faussement habitués à vivre sans limites, dans une véritable boulimie d’énergie. Il n’y a pas si longtemps, par exemple, on construisait des maisons sans aucune isolation, et on mettait une énorme chaudière à mazout, et on chauffait. Pas de limites ! Cela en dit long sur les mauvaises habitudes que nous avons prises et que nous devons apprendre à abandonner. Dans un système énergétique durable de provenance locale, l’énergie est limitée. Elle doit être utilisée et gérée le mieux possible pour couvrir tous les besoins de manière optimale. Choisir des processus à haut rendement, minimiser les pertes, et réduire nos habitudes très coûteuses en énergie. Les exemples sont nombreux où nous pouvons garder le même confort, mais avec beaucoup moins d’énergie : diminuer la taille de nos voitures, moins voyager en avion, favoriser les transports publics, habiter dans de plus petits logements, etc.
Sortir de la « malbouffe » énergétique
Tout cela semble aller à l’encontre de la sacro-sainte croissance, sur laquelle repose notre économie. Est-ce que cela peut marcher ? Prenons l’exemple de la malbouffe : vous avez la quantité, mais pas la qualité, et cet excès ruine votre santé. Manger sainement, c’est choisir la qualité et baisser les quantités. La valeur économique reste la même. C’est assez semblable avec l’énergie. Les énergies fossiles, c’est la malbouffe énergétique qui ruine la planète. C’est bon marché en apparence, mais le prix final à payer est très élevé. Les renouvelables, c’est la nourriture locale de qualité. Plus chère en apparence, mais au final moins dommageable et générant davantage de valeur. Il faut travailler dès l’école sur la réelle valeur de l’énergie, sur les bénéfices d’une énergie produite localement. C’est un changement de paradigme, qui nous fera gagner à tous en qualité de vie, nous enlèvera la peur du manque, et profitera en plus à notre économie locale.
Au régime avec de l’énergie locale
Passer de l’excès d’énergie à une consommation raisonnée demande donc nécessairement de passer par une réduction de notre consommation en énergie. Est-ce une condition pour la neutralité climatique en 2050 ? Oui. Oublions l’illusion d’une énergie sans limites dans l’avenir. Nous devrons réduire nos besoins en énergie pour parvenir à les couvrir majoritairement avec des sources locales. Mais cela peut parfaitement se faire sans aucune perte de confort, ni de bonheur, ni de sécurité. Au contraire ! C’est une aventure motivante, faite d’innovations et de solidarité avec les générations futures. C’est un projet de société plein d’espoir et d’opportunités pour les jeunes générations.
Steve Tanner
Ingénieur
Président de l’ONG écologique A Rocha Suisse
Ecouter la neuvième chronique de l’énergie de Steve Tanner : « Peut-on sortir de notre excès d’énergie sans régime ? »
Les 8 chroniques de l’énergie de Steve Tanner, président d’A Rocha Suisse
Voici les huit chroniques sur l’énergie déjà diffusées sur Radio R :
- Steve Tanner, «La civilisation du soleil…» (1)
- Steve Tanner, «Les énergies fossiles, investissements à risque» (2)
- Steve Tanner, «Pourquoi la voiture électrique va-t-elle s’imposer?» (3)
- Steve Tanner, « Le soleil à la place du mazout pour se chauffer… comment ça marche ? » (4)
- Steve Tanner, «Décarboner l’aviation, cette idée peut-elle décoller?» (5)
- Steve Tanner, «La ‘fée électricité’ peut-elle résoudre la crise climatique?» (6)
- Steve Tanner, «La cigale et la fourmi en version électrique, ça donne quoi?» (7)
- Steve Tanner, « Combien nous coûtera l’abandon des énergies fossiles ? » (8)