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Hansuli Gerber : et la non-violence dans la guerre en Ukraine ?

4 mars 2022

En lien avec la guerre en Ukraine, beaucoup d’images montrent des hommes et des femmes qui s’initient à la fabrication de cocktails Molotov ou au maniement d’une arme fraîchement reçue. Dans un tel contexte, l’Evangile de Jésus-Christ ne nous propose-t-il pas une autre manière de réagir ? Pour éclairer la réflexion et apporter un autre regard sur la résistance à l’envahisseur, « Un R d’Actu » a reçu le jeudi 3 mars Hansuli Gerber, pasteur retraité et membre de la Communauté anabaptiste-mennonite de la Chaux-d’Abel, dans le Jura bernois. Une interview à écouter et à lire en partie.

Dans un contexte comme la guerre en Ukraine, qu’aimeriez-vous apporter comme autre manière de faire que d’entrer dans la spirale de la violence ?

L’Evangile de Jésus-Christ est une bonne nouvelle pour les opprimés et pour les victimes des violences de la guerre. Il repose sur une perspective messianique que l’on rencontre chez les prophètes de l’Ancien Testament et chez Jésus. Esaïe 61 (1-3) rend bien compte de cela avec sa mise en avant du messie, de l’envoyé de Dieu, qui vient pour « guérir ceux qui ont le cœur brisé », pour « proclamer aux déportés la liberté et aux prisonniers la délivrance » et « annoncer une année de grâce de la part du Seigneur ». Jésus a fait siennes ces paroles dans l’évangile de Luc (4.16-21). Cela sonne bien dans un contexte terrible comme celui que nous vivons aujourd’hui, mais il ne s’agit pas d’annoncer qu’un superman arrive pour anéantir l’ennemi par un coup de force. En fait, il s’agit d’un appel à mettre en œuvre des pratiques mises de côté par la domination humaine, par la déshumanisation et par l’avidité.

Dans les Eglises mennonites et anabaptistes que vous fréquentez, on lit beaucoup le Sermon sur la montagne, ce fameux discours de Jésus que l’on trouve dans l’évangile de Matthieu (chap. 5-7), pour nourrir l’engagement non violent. Ce récit est-il aussi important pour vous ?

Oui, bien sûr ! Il s’agit là de suivre l’exemple de Jésus. Ce n’est pas une théorie ou une espérance vide. Jésus montre l’exemple d’une vie marquée par l’amour et la miséricorde. Or l’amour et la miséricorde ne sont pas violents. Dieu ne force personne. Jésus non plus ! C’est un libre choix que l’on peut faire avec des tenants et des aboutissants concrets…

Concrètement, comment cela se passe-t-il quand vous avez quelqu’un en face de vous qui dispose de tanks… et même de la bombe atomique ?

Il ne s’agit pas de spéculer sur la manière dont il faudrait se comporter. A l’exemple de Jésus, il importe de se préparer à ce qui pourrait nous arriver dans la prière, dans la méditation, dans le silence au travers d’une relation personnelle avec Dieu et avec son Esprit saint. Le chrétien engagé dans une démarche non violente recherche l’inspiration afin de trouver la force et la bonne démarche à mettre en place. En tout cas, ce n’est pas en ripostant d’emblée que l’on répondra le mieux à une agression.

Dans les images que l’on reçoit ici en Europe occidentale de ce qui se passe en Ukraine, on voit aussi des gens qui font de leur corps un obstacle à l’avancée des chars russes. Ne devrions-nous pas encourager cette culture de non-violence plutôt que d’apprendre aux Ukrainiens à fabriquer des cocktails Molotov et à manier des armes ?

Un expert militaire a dit que préparer des cocktails Molotov était suicidaire… Je ne sais pas si c’est vrai, mais je sais qu’il y a en Ukraine un grand nombre de personnes qui se préparent à rencontrer les soldats russes sans être armés et à mettre juste leur corps en opposition à l’avancement de véhicules blindés. Je ne vais pas dire que c’est la seule chose à faire ! Moi-même, je ne suis pas sûr que j’en aurais la force…

Face à des militaires, n’est-ce pas illusoire de répondre ainsi à la violence ?

Humainement parlant, effectivement nous n’avons aucune chance. Un corps humain, ce n’est rien contre un char ! La logique divine est autre. Elle propose l’amour et la miséricorde ; et le prix à payer pour s’inscrire dans cette logique peut être extrêmement lourd. Mais on connaît des circonstances historiques où les chars se sont arrêtés devant des personnes, parce que, à la conduite des chars, il y a aussi des humains qui ont une âme, même s’ils sont manipulés et sous d’énormes pressions. Le projet divin est de ne pas céder à la tentation du pouvoir armé ou du pouvoir tout court. C’est ce que Jésus a démontré au moment où il a été tenté, et tout au long de sa vie aussi. En tant que disciple de Jésus, nous devrions essayer de sortir de la logique guerrière qui, si elle se déploie jusqu’au bout, va finir par nous anéantir tous !

Que dites-vous à ceux qui considèrent qu’une telle manière de faire est inefficace ?

On ne peut pas le savoir à l’avance. De plus pour le chrétien, le critère ultime n’est pas l’efficacité, mais d’être engagé dans un projet qui promeut la foi, l’espérance et l’amour. On ne peut pas affirmer que l’amour aura le dernier mot et dans le même temps prendre les armes. Cela ne va pas ensemble !

Propos recueillis par Serge Carrel

Retrouver les prises de position de Hansuli Gerber sur le site du Forum anabaptiste pour la paix et la justice.

Ecouter l’émission « Un R d’Actu » avec Hansuli Gerber.