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Selon Evelyn Speich, le sud de Madagascar est toujours très fortement impacté par la famine

14 février 2022

Evelyn Speich dirige à Madagascar l’entité nationale de l’ONG humanitaire Medair. De retour d’un voyage dans le sud de l’île, cette Suisse allemande, ingénieure agronome de formation, raconte son face à face avec la famine qui sévit depuis de longs mois dans cette région. Elle raconte dans « Un R d’Actu » sur RADIO R. A lire et à écouter.

 « C’est le changement climatique et la préservation de la biodiversité qui sont au cœur des préoccupations de la communauté internationale par rapport à Madagascar ! Ça, c’est une vision pour le futur. Actuellement, il y a des gens qui meurent de faim dans le sud de l’île ! » Evelyn Speich est la directrice nationale de l’ONG Medair dans cette île de l’Océan indien. Mi-janvier, elle a eu l’occasion de se rendre dans le sud de Madagascar, une région touchée depuis de nombreux mois par la famine. Ce qu’elle déplore, ce sont les flux financiers internationaux qui vont pour la lutte contre le changement climatique et la préservation de la biodiversité et qui ne tentent pas, avant tout, de répondre aux besoins nutritionnels vitaux des populations locales précarisées.

« On a pu aller dans le sud de l’île avec l’avion des Nations Unies, explique Evelyn Speich. Ça nous a permis d’atterrir à Ampanihy, le centre de la zone de sécheresse. Il y a des endroits avec de la verdure, mais beaucoup de régions complètement arides. Les gens ont pu commencer à cultiver, mais ces cultures restent minces et faibles. »

Pendant son trajet aérien, Evelyn Speich a survolé des champs vides. Les cultures n’avaient pas encore commencé. Les paysans défrichaient et brûlaient le bois pour faire de la place à de nouvelles terres cultivables. Malheureusement, la technique employée ne fonctionne pas très bien. En étendant la surface de leurs cultures, ils espèrent bénéficier de récoltes plus stables, mais cette ingénieure agronome de formation se montre dubitative par rapport aux éventuels résultats. Sur place, il y a donc des signes tangibles de famine.

La clinique mobile de Medair se concentre sur les enfants

Dans la région la plus touchée, Medair a déployé des « cliniques mobiles ». « Ce sont deux 4×4, avec des infirmières et des nutritionnistes, qui vont dans les villages éloignés, explique la directrice nationale de Medair. En collaboration avec le ministère de la santé, des chefs de village et la population locale, nous définissons le meilleur endroit pour installer une clinique. »

Il y a des tables et des chaises. « Une après l’autre, les mamans viennent avec leur enfant et on traite chacun selon ses besoins. Medair cherche à connaître le stade de malnutrition des enfants qui viennent à la clinique. On les pèse. On regarde la circonférence de leurs bras. On les mesure. Dans la troisième semaine de janvier, une de nos cliniques mobiles a constaté que 22 enfants souffraient de malnutrition aigüe, dans cinq villages où cette clinique s’était arrêtée. Ces enfants avaient atteint le niveau le plus haut de malnutrition. »

Se concentrer aussi sur une approche plus durable

Evelyn Speich plaide pour que l’aide internationale se concentre sur l’urgence actuelle. A son avis, il y a deux choses à mettre en place. « Tout d’abord, le soutien humanitaire immédiat, comme les cliniques mobiles pour les enfants et la distribution de vivres. Mais en même temps il faut résoudre le problème de ces populations au travers d’une approche plus durable. » Sur place, l’ONG Medair prévoit de doubler les effectifs des cliniques mobiles pendant trois mois grâce aux fonds récoltés en Europe.

« Nous avons aussi un programme de « water trucking », explique Evelyn Speich. Avec un camion, nous amenons de l’eau dans les villages pour y remplir les citernes. Nous faisons cela une fois par semaine pour les familles dont les enfants souffrent de malnutrition aigüe ». Cette ONG va aussi tenter de développer des infrastructures donnant accès à l’eau dans les villages. Le manque d’eau est la racine de la famine présente actuellement à Madagascar. Des forages aux abords des rivières seraient possibles, cependant la population malgache n’est pas dense. Les raccordements jusqu’aux points d’eau des villages coûtent très cher. Les distances à couvrir sont très grandes. « Le financement reste encore très limité. C’est vraiment toujours un problème pour nos interventions dans le sud de l’île », confie l’ingénieure agronome suisse alémanique.

En 2019, Evelyn Speich était engagée sur le terrain avec Medair dans le sud de Madagascar. « A l’époque, se rappelle-t-elle, il y avait dans la population de la motivation et de l’espoir. Ça manque aujourd’hui. » Lors de son récent voyage, elle a constaté que l’atmosphère avait bien changé. « Il n’y avait plus de sourires sur les visages des gens. C’était « très très triste » ! Les personnes semblaient complètement épuisées et n’affichaient plus d’espoir… Ça m’a beaucoup touchée ! »

Laura Kopf-Bourdet

 En savoir plus sur l’ONG Medair et son engagement à Madagascar.

Ecouter l’émission « Un R dActu » avec Evelyn Speich, directrice de l’entité nationale de Medair, sur la famine à Madagascar.